Passage de frontière
À bout de souffle, éreintés par une une humidité harassante, nous avançons notre départ de Chine. Agglutinés devant le guichet de la gare pour deux heures d'attente, recevant des coups de coude et balançant des coups de pieds, le cerbère refuse de me fournir mes billets de train pour Hanoi et me demande de reactualiser nos visas. Deux jours plus tard, le visa refait et cinq kilos de moins, nous n'avons pas le courage de refaire le match de boxe et d'attendre une journée de plus. Nous prenons le bus et traversons la frontière à pied ou l'on vole tels des aigles mongoles vers Long Son. Seuls au monde, nous mangeons de délicieux nems au porc qui ressemblent à de vieux boudins moisis qui seront les meilleurs de notre voyage.

Je trouve un mini van japonais qui accepte de nous conduire à Sapa en deux jours moyennant 2 500 000 dông (90€). Nous sillonnons la jungle, parsemée de champs de riz, de thé et de bananiers et Tong, notre chauffeur, tout en joie, accélère dans les villages au rythme effréné d'un Klaxon toujours aussi présent et s'arrête à chaque carrefour pour demander son chemin.

Après sept heures de route et 500 km, nous faisons une halte dans un trou paumé, Yen Bai. Assis autour d'une Larue, bière "locale", notre chauffeur et le gérant de l'hôtel nous expliquent que Tong a fait une erreur sur le prix du transport et nous demande le double. Anne-pat, sevrée de négociation, ne transige pas "un deal est un deal" et même pas peur que tu me laisses en plan dans ton bled !! Furieux Tong fait les 100 pas entre la pipe à eau et notre table et constate amèrement sa défaite, vexé il part sans même un Dông et nous laisse en plan. Nous comprenons qu'il n'est jamais allé à Sapa de sa vie.

Le lendemain matin, toujours pas de Tong, ayant raté le train de 10h, nous prenons le bus pour effectuer les 178 km restant pour Sapa, 200 Dông / personne. Le bus, un bon vieux taco comme je les aime, met deux heures pour sortir de la ville afin de glaner des clients et rendre Anne-pat hystérique qui finit par éteindre la tv qui passe des clips européens obscènes sur de la musique à l'eau de rose Vietnamienne. Au cinquantième tournant, les voisins locaux d'Anne-pat rempliront tous des sacs plastiques de vomi qu'elle jette sereinement par sa fenêtre, la seule qui ouvre du bus.
Assis devant avec Maxime qui évacue une semaine de bouffe chinoise, je serre les dents, livide. Le bus se remplit à déborder, le Stewart, pieds nus, escaladant les passagers. Il apostrophe Anne-pat pour qu'elle réveille Mahault qui dort depuis quatre heures pour assoir une femme minoritaire de Sapa aux dents teintées de rouge de bétel qu'il fait rentrer dans le bus avec dégoût. Chinoisée, Anne-pat dans un pur français le crucifie dans l'hilarité générale, il laissera finalement sa place.

Ils nous font grâce d'une halte dans un tournant en haut d'un col pour une pose pipi dans les bananiers. J'égrène chaque seconde de la dernière heure, mon estomac noué, ébloui par le paysage qu'aucune pellicule photographique ne pourrait retranscrire.

Après neuf heures de route, nous arrivons a Sapa, ville coloniale perchée dans les nuages au milieu de rizières en terrasses.

Passage de frontière

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