Sénégal

Les bretons noirs
Le Sénégal est un pays de pêcheurs contrairement à la Mauritanie qui est un pays d’éleveurs. Entre Saint-Louis et M'Bour, nous avons parcouru des villages bariolés, composés de baraquements sommaires de parpaings réalisés dans la rue avec des coquillages pour gravier, aux sols en terre battue, d’une saleté rare, peuplés de mouches et de hordes d’enfants déguenillés au sourire éclatant.

A M'bour nous parcourrons sur 1km la plage jonchée de détritus. Des centaines de pirogues peinturlurées aux couleurs du Sénégal complètent ce tableau féerique.

Anne prend en photo une charrette qui vient récupérer un moteur, un pécheur au visage patibulaire et inquiétant l’apostrophe « Et toi toubab, vient ici, tous de suite !! » « Tu peux pas me prendre en photo » il essaye d’arracher le téléphone de sa main et Anne lui montre la photo de la charrette, il est en second plan tout petit !

Abraham vient à notre secours, c’est un "antiquaire", soit un guide informel, un escroc en somme ! Que nous embauchons tout de même avec plaisir pour se plonger dans la cacophonie de la criée. Une foule immense à l’organisation « pousse toi d'là que je m'y mette » ! Notre antiquaire est indispensable ! Il nous explique que les pêcheurs sont de l’ethnie des Lebou, que sa ville est jumelée avec Concarneau et qu’ils sont des « bretons noirs ». Il fredonne alors avec l’accent Africain « Ils ont des chapeaux ronds vive la Bretagne.. ». Les bretons leur ont offert des filets bleus et des moteurs Yamaha.

Ce sont des grands enfants au corps sculptés, élancés, toujours prêts à rire, jouant au foot sur la plage, exécutant des pompes et des tractions, à la recherche d’une retraitée toubab qui leur offrira des cadeaux comme une Peugeot ou petite maison contre quelques faveurs !!

A 18h le retour des bateaux se fait dans un désordre indescriptible, les pirogues se frayent un passage sur la berge, pas de ponton, dans un mètre d’eau avec la houle. Un ballet de porteurs hisse sur sa tête des caisses de poissons payées 50 centime d’euros. Ils déposent leur butins aux pieds des femmes de forte corpulence apprêtées de magnifiques boubous dans une crasse et une odeur innommable, leur grands yeux ronds dégagent une autorité qui vous glace le sang, elle vendent le poissons de leur mari et enfants, cousins et oncles qui ne verront pas un Franc CFA de leur dur labeur !

Les poissons les plus nobles sont traités par des marchands européens dans des laboratoires nickels, le menu fretin est jeté à même le sable, aussitôt recouvert d’une nuée de mouches, il est éviscéré puis fumé, salé ou pire séché.

Ce charivari nous soulève l’estomac, quand nous tombons sur une montagne de requins où manquent les ailerons déjà partis en Chine à 50 euros le kilo, ils seront séchés et coupés en petits morceaux pour réaliser un fumet auquel seront associés la chaire de gigantesques escargots de mer de 5 kilos ou communément appelés "camemberts" tellement ils empestent. La réside le secret pour réaliser le plat national, le Thiéboudiène. Nous n'avons pas encore gouté !

Abraham nous explique les types de pêche, les petites pirogues partent le soir poser des filets dormants et deux jours plus tard elles reviennent les lever.

Les grandes pirogues partent à deux pendant 15 jours avec à leur bord une trentaine de marins, avec de grands filets. Ils raclent les fonds, les conditions de vie sont effroyables, ils hissent à mains nues les lourds filets jour et nuit et dorment quelques heures les uns sur les autres, fouettés par les embruns. Le chef cuisine du thiboudiène au fond de la pirogue. Sur une tas de sable est aménagé un barbecue africain réalisé dans une jante de voiture où on fait du feu « allumé avec de l’essence » !

Nous quittons dubitatifs cette scène de vie d’un autre âge avec un délicieux goût amer.

Les bretons noirs

Les bretons noirs

Les bretons noirs

Les bretons noirs

Les bretons noirs

Les bretons noirs

Les bretons noirs

Les bretons noirs

Les bretons noirs

Les bretons noirs

Les bretons noirs

Les bretons noirs