La Corée en quête de reconnaissance
Nous arrivons à Séoul bien fatigués. Mahault a beaucoup de mal à s’adapter aux six heures de décalage horaire, dort le jour et fait le zouave la nuit !

Le climat semble conspirer avec elle : une chaleur moite pousse les noctambules dans les rues illuminées, où les enseignes néon multicolores s’allument comme des promesses faites à la lune. Ici, le temps s’étire, et les magasins ne tirent leur rideau qu’à 22 heures. On se croirait dans un décor de cinéma, capturés dans une réalité hyperactive.

Séoul vibre, s’agite, s’emballe, mêlant traditions séculaires et modernité débridée. C’est un bal robotisé où l’on commande son repas sur une tablette, effleurant l’écran comme un oracle, puis payant sans contact, comme on le ferait d’une poignée de main entre vieux amis et c’est le même constat dans les hôtels on fait soit même le chek-in sur une tablette on scanne notre passeport qui accouche d’un code qui sera votre sésame ! Pas âmes qui vivent . Mais ces nouvelles manières ont failli nous coûter cher, littéralement : nos trois cartes bancaires ont été bloquées dès le premier jour, une mésaventure rapidement résolue après une série de palabres avec la banque.

Le culte de la beauté ici est érigé en religion nationale. Le bistouri redessine les visages, affine les traits, gomme les imperfections. Le moche est un paria dans ce pays où le physique parfait ouvre les portes des grandes entreprises. Triste ironie : dans cette quête de perfection, ils finissent par tous se ressembler. Fort heureusement, dans les provinces, l’uniformité se dissout. Pourtant, ces âmes parisiennes ne jurent que par leur capitale, délaissant la campagne comme un territoire étranger. "Le best, c’est d’aller à Paris !" Et pourtant, la mode n’est pas arrivée jusqu’à eux : ils s’habillent uniformément, soit en blanc, soit en noir, mais toujours avec des marques françaises de luxe. À leurs trousses, leurs adorables marmots hideux pas encore passé sur le billard, qui sont de véritables petits monstres faisant d’horribles caprices en pleurant toutes leurs fausses larmes et hululant comme des chiots pour obtenir satisfaction, suivie d’un sourire angélique.

Le voyage nous mène en train à Hahoe-ri, un village figé dans le temps, niché au creux d’une rivière, où les maisons de la période Joseon semblent chuchoter des histoires anciennes, rappelant le village d’Astérix et Obélix. Nous logeons dans l’une de ces bâtisses, dormant sur le sol, sous un toit de chaume, entourés de rizières et de murs de pierre volcanique. Là, une mamie aux cheveux violets et à la langue acérée veille sur nous, rappelant sans cesse qu’il faut enlever ses chaussures, tradition que nous, voyageurs distraits, oublions inévitablement — la flemme, quoi !

La campagne coréenne est parsemée de monticules recouverts d’une végétation luxuriante. On a peine à imaginer l’hiver glacial qui y sévit. Les villes provinciales, quant à elles, évoquent une Amérique du Sud des années 70, aux architectures défraîchies par le temps et les chocs climatiques. Le pays, qui a été en perpétuelle guerre avec ses grands voisins, la Chine et le Japon, a souvent été détruit, et il ne subsiste plus grand-chose du passé.

Nous attendions Gyeongju, surnommée “le musée sans murs”, qui nous séduit par ses tombeaux anciens et ses vestiges d’un autre temps. Le parc Tumuli, avec ses monticules herbeux aux courbes douces, nous raconte une histoire silencieuse, dernière demeure des rois de l’époque Silla que l’on contemple avec respect, sorte de pyramides dont Mahault vous contera leur mode de construction. Nous nous installons dans le quartier des Hanok, séjournant dans ces maisons traditionnelles aux cloisons de papier de riz, pour quelques jours de quiétude.

Le voyage s’achève à Busan, ville portuaire animée, sorte de petit Rio avec de grandes plages surplombées d’une corniche de gratte-ciels tous illuminés. Au marché aux poissons de Jagalchi, nous choisissons nos prises encore frémissantes, prêtes à être cuisinées sur place. Je goûte au crabe cru nappé de pâte de piment, une expérience culinaire qui se solde par quelques désagréments gastriques.

Le pays tout entier est un festin pour les carnivores, chaque restaurant se spécialise dans un plat unique, délicieux mais impitoyable pour les végétariens. Parmi nos découvertes culinaires, un petit comptoir où l’on sert du pain de poisson dans un bouillon umami devient vite le favori d’Anne. On a vite abandonné les BBQ enfumés par des braseros rougeoyants où l’on fait griller la délicieuse viande Wagyu marbrée à souhait. Mahault vire au vert, à la limite de la syncope ; c’est bruyant, enfumé et malodorant. Les marchés à ciel ouvert, où trônent tripes et pattes de poulet sous une chaleur accablante, nous laissent un peu plus réservés. Mahault, en quête d’air climatisé et de Wi-Fi, rêve d’un restaurant à l’atmosphère tempérée avec une cuisine européenne, tandis que moi, je tente l’aventure d’un tartare de poulpe encore frétillant, ses tentacules cherchant à s’accrocher à mon palais, une mâche visqueuse et sans saveur, à vomir.

C’est avec un mélange de soulagement et de désenchantement que nous embarquons pour le Japon. La Corée nous laisse sur notre faim, un pays tiraillé entre son passé perdu et un futur incertain, jaloux de son voisin japonais qu’il admire autant qu’il le déteste.

La Corée en quête de reconnaissance

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