Cosimo nous attend. Il faut presser le pas si nous voulons arriver à temps pour le coucher du soleil.


A l'ombre des oliviers
Ce soir, à l'encontre des pratiques italiennes, nous avons pris une baby-sitter. Le temps de donner les ultimes recommandations à Maora, qui ne semble pas effrayée de garder notre tribu de 8 enfants, et nous voilà enfin partis! Nous nous enfonçons dans les terres et arrivons dans la campagne d'Alessano. Le soleil se couche sur les oliviers du Salento.

Cosimo pose son doux regard sur nous " je vous ai attendu pour les vêpres". Le temps s'arrête enfin. Bercée par la voix de notre hôte, je vais et viens entre le paysage et la payara où nous sommes reçus. Une construction de pierres sèches typique du Salento. La base de la payara se compose de deux rangées parallèles de grosses pierres qui ont du faire suer plus d'un paysan. S'organise alors un véritable jeu de TeTris dont les interstices sont comblés par de nombreux copeaux minéraux.

Chez Cosimo, une pajara fait office de cuisine, l'autre de chambre. Ni eau, ni électricité. La lune éclairera notre dîner sous les oliviers. Après les vêpres, nous aidons Cosimo à dresser la table, une succession de longues planches de bois recouvertes d'un long drap blanc. L'heure est à la Cène.

Nous sommes une douzaine autour de Cosimo. Il y a Joe, un italo-anglais, Manuel et son père Biagio, un des neuf frères de Cosimo, sa femme et ses enfants, Guillaume, Nathalie et Emilie venus passer leurs vacances à Corsano, un Albanais, Stan et moi. Le compte est bon. Les langues se mêlent, français, allemand, anglais, italien, albanais et autres dialectes du monde!

Franco, le frère de Cosimo a apporté le pain, plus précisément les frises fabriquées par ses soins à base de farines bios. Sorte de petite galette de pain dur, on la trempe dans l'eau avant de l'agrémenter de pulpe de tomate obtenue par un voluptueux pressage du fruit, d'un filet d'huile d'olive, d'une piperade épicée ou d'aubergines grillées, les deux pour les plus audacieux palais! Suivez mon regard... Les mains s'agitent, allant et venant avec gourmandise. Cosimo porte sa jarre d'eau en terre cuite religieusement, un autre se charge du vin, l'albanais quant à lui est venu avec sa bouteille en plastique chargée de Raki. " Sentez-vous le parfum des fruits?" J'aurais aimé, mais la première gorgée n'a fait qu'éveiller mon système lacrymal...

Les conversations vont bon train tandis que la petite Julia s'assoupit tel Jean l'évangéliste contre l'épaule du sage Cosimo. Un italien aborde le délicat sujet du fléau qui asphyxie les oliviers du Salento. Le ton monte. Selon lui, la bactérie ne ferait pas que des malheureux et aurait même sciemment été rapportée d'Amérique du sud pour le bonheur des promoteurs immobiliers...

Une sorte de Judas m'assène que Marseille est une ville de truands arabes, les débats reprennent de plus bel mais Cosimo d'une main sur l'épaule du malheureux ramène le calme au pied de l'olivier centenaire qui en a certainement entendues d'autres!

Comme cette pizzica envoûtante et libératrice propre au peuple des Pouilles qui exorcise ses souffrances dans le jardin des Oliviers. Directement liée au tarentisme, un rituel de guérison mêlant danse, musique, transe, possession et dévotion chrétienne, la pizzica nous envoûte et nous entraîne dans une transe libératrice au son du tambourin et pour notre part de la merveilleuse voix de cette chanteuse que nous avons découvert sur une scène improvisée entre deux oliviers au fort de la Guardiola. Une image me reste, celle de Marie-Stella tournoyant sur elle même, s'emmêlant dans son foulard avec élégance et poésie. Les pouilles ont leur antidote aux venins de la vie sous l'œil bienveillant de l'arbre roi.

A l'ombre des oliviers

A l'ombre des oliviers

A l'ombre des oliviers


A l'ombre des oliviers

A l'ombre des oliviers