Une vie de nomade

Nous avons troqué Eugène contre Jango pas plus prolixe mais aux yeux vifs et au sourire franc voir charmeur, nous l'avons doublé d'une charmante étudiante de 19 ans, Doogie, qui parle la langue de Houllebecq à merveille, à la grande joie de Maxime.

Jango au volant de son Uaze vole sur les pistes à une allure de 40 km heure au son du rap Mongole. Ici pas de route, à quoi bon, on croise une voiture par jour, c'est quand même flippant surtout quand on crève pour la troisième fois et que l'on parcourt 150km dans le désert de Gobi sans pneu de rechange !!!

Au deuxième jour nous avions prévu de dormir chez les nomades. Jango et Doogie les yeux plissés naturellement scrutent l'horizon tels des aigles Mongols à la recherche de gers (yourtes). Jango braque son volant sans direction assitée, sort de la piste, on a la sensation de faire un grand huit. 5km plus loin une ger se dessine au creux d'une vallée, les habitants déménagent le lendemain dans leur camp d'été, ils se confondent en excuses de ne pouvoir nous recevoir, la troisième famille sera la bonne. Ils ont trois gers et 150 chameaux, nous sommes accueillis par Marmite en Cuivre enceinte de sept mois qui nous fait l'honneur de nous faire déguster du lait de chèvre frais, Anne-Pat vive comme l'éclair déclare quelle est allérgique ainsi que Mahault. Je me dévoue et déglutis le liquide tiédasse et nauséabond quand à maxime elle se délecte.

La ger est composée de cinq murs de bois croisé, recouverte de feutre fait maison, le toit et constitué de lattes de bois peintes où l'on glisse les brosses à dent, les couteaux, le tabac, le téléphone, les filets des chevaux ... La porte d'une hauteur de 1m 50 est toujours disposée à l'Est, le vent ici est toujours présent et vient de l'ouest. À la cime du toit une fenêtre s'ouvre sur le ciel. Au pied de chaque ger sont posés un panneau solaire et une parabole, seuls artifices de modernité.

Celle qui n'a pas de prénom, la petite sœur de Marmitte en Cuivre, revient du puits ou se sont abreuvés les 150 moutons de leur troupeau au volant d'un cheval de fer, une moto Chinoise qui remplace le cheval. Le puits est à deux pas soit au moins 5km, les chameaux sont à 5 pas soit 15 km et encore Hache de Fer le papa de 65 ans au visage buriné et gercé par le soleil et le vent du Gobi est revenu bredouille, ils doivent être à 6 pas!!! Il nous enseign le maniement du fouet et du laceau : l'urga

Au centre de la ger trône le poêle, il est alimenté de crottin de cheval et de bouse de vache séchés, la steppe n'offrant aucun bois de combustion. C'est le travail des enfants le soir venu de récolter les défections animales et de les entasser dans un immense parc à merde que Max escalade avec ses copines.

Le dîner se prépare, Marmite en Cuivre fait des pâtes maison tandis que Sans Prénom munie d'un marteau martyrise un cuisseau de chèvre séché qu'elle réduit en petits morceaux puis ajoutés à une eau bouillante qui devient maronnasse et mousseuse, elle ajoutera un kilo de saindoux de mouton auquel elle aura religieusement dépecé la peau sans perde une once de gras. La ger se parfume avec force d'une vapeur qui s'incruste dans tous nos sens jusqu'à la transe. Anne-pat devient subitement végétarienne, Max s'empiffre, je re-déglutis et cherche désespérément un chien pour vider ma gamèle.

Nous dormirons dans la troisième ger où Couteau Affûté, le cousin, prépare du fromage de chèvre, le lait boue, il l'évente avec une grande louche, caillé je le passe dans un chiffon coloré et le petit lait s'écoulera toute la nuit dans notre chambre. On se couche éreinté par neuf heures de Uaze à même le sol sur des tapis en poils de chameaux tout habillé en rang d'oignons avec Couteau Affûté qui matte la télé à tu tête porte et fenêtre ouvertes où le vent s'engouffre en bourrasque. Max ahurie voit un cafard passer sous son nez, Couteau Affûté prend stoïque une pelle et le ramasse délicatement en fervent bouddhiste. Il écrasera sa cigarette roulée avec du papier journal au pied de sa couche.

Notre seconde nuit chez les nomades sera d'un standing bien supérieur. Nos hôtes ont 200 vaches, 100 moutons 100 chèvre et 5 gers, ils nous accueillent dans leur camp d'hiver, ce sont des amis de Jango. Maxime et Mahault traient les vaches, avec Anne nous raclons le cortin des moutons que l'on a tondu précédemment pour le chauffage de l'hiver prochain. Les femmes nous cuisinent des raviolis au bœuf séché, Anne maigrit à vu d'œil. Mais nous dormirons dans de vrais lits.

Je suis actuellement assis au pied de notre ger dans notre troisième famille de nomades ou nous passerons trois nuits dans les steppes du centre. Je voie à milles lieux, les collines se dessinent au loin, les animaux disséminés ici et là font des points blancs sur la steppe grasse aux nuances de vert violacé, le ciel est marbré de nuages statiques que l'on peut toucher, le vent incessant fait planer les aigles qui guettent les milliers de mulots qui virevoltes de trou en trou.

Les hommes excités par la course de 11 juillet, le Naadam, choient leurs chevaux et s'entraînent. Je parts pour une balade de 5 pas sur un petit cheval alezan monté sur une selle en bois peint de dessins naïfs peu confortable rejoint par Tournevis en Étain et son petit frère Lumière Vive qui dresse son poulain et fait du rodéo au coucher du soleil. Maxime au triple galop deux heures durant ramène le troupeau et sépare les veaux des mères qui seront traites à 18 h puis à 4 heure par les femmes, de vrais besogneuses.

Nous nous habituons à notre vie de nomade, Four Solide notre hôte nous à acheté de la poitrine de porc soucieux de notre santé, ne pas manger de viande est une hérésie pour un mongole qui lui ne mange pas un légume ni fruit. Maxime ne court plus au trou, mais dans la steppe à la recherche d'une touffe d'herbes hautes, je me demande si je vais tenir trois jours !! Mahault galope derrière les biques en poussant des hurlements de joie avec son copain ta Gentillesse Grandit.

Ces hommes et plus particulièrement les femmes sont d'une force tranquille étonnante, on vit avec peu à la dure, rien n'est jeté tout est recyclé et on se demande perplexe comment ils font pour vivre en hiver à -30°.

Un grand merci à Doogie et Jango pour nous avoir supportés pendant 15 jours. Doogie pour nous avoir permis de connaître les us et coutumes de son pays et de s'être si bien occupé des filles. Jango pour nous avoir conduit avec maestria sur 1700km de piste aux paysages variés et à jamais gravés dans mon âme.