Arrivés a Tel Aviv un lundi, la ville nous offre sa douceur et son art de vivre sous un ciel clément. Je rencontre dans un bar Olivia et son fils Max de 3 ans avec qui j’échange quelques kaplas. Elle a fait son Alya il y a six ans, peu après les événements de la supérette et du bataclan et s’est jurée de ne jamais remettre les pieds dans son pays, la France et son quartier, Saint-Ouen où la jeune cinéaste vit. Son père, juif de nationalité française, n’est pas un religieux et n’apporte pas son soutien à ce projet. Olivia, bille en tête, fonce et débarque à Haïfa. Un bébé plus tard et un ami de longue date la mènent à Tel Aviv. Six mois de cours d’hébreu offerts par le tout puissant état ne la font pas avancer d’un iota dans sa quête de boulot et la vie est d’une rare cherté. Des plateaux de Lelouche, Olivia finit par trouver un job chez Bolloré qui soustraite avec Israël une chaîne pédagogique pour l’Afrique. Mère célibataire, il faut parer à l’urgence dans un pays où finalement personne ne l’attendait. Je lui dis que son pays est la France,lui propose de découvrir un grand Saint-Ouen, Marseille, où nous vivons en bonne intelligence. Olivia s’obstine et verrait un départ comme un échec.
Le lendemain, nous partons découvrir cette ville que l’on nous a présentée comme un New York levantin. Nous y avons trouvé d’autres richesses comme une incroyable architecture Bauhauss en pleine réhabilitation et des skylines grues in progess côtoyant des cases au look blédard en attente de démolition du plus offrant. Nous rentrons dans notre quartier, le vieux Jaffa, entre port et marché aux puces, on se sent à la maison. Les shops ont du concept et du cachet sans ostentation. Nous ne savons pas dans quelle direction commencer notre voyage. Nord, Sud? Nous louons une voiture. Le Sud l’emporte, nous fonctionnons à la météo, une raison comme une autre.
Nous arrivons à Mitzpe Ramon, cratère le plus profond du Néguev, stigmate du retrait des eaux et paysage lunaire absolument amazing ! Nous passons les deux premières nuits dans un hôtel d’exception, le shekel pique. Le Beresheet a été construit au bord du cratère après dix ans de demande de permis de construire et signifie en hébreu « au commencement ». Le lieu incroyable et kasher cultive l’entre-soi. Nous sommes les seuls goyim! Nous découvrons les grands buffets du petit dej et du dîner, le groupe, une mer de kippa et papillotes en plein désert. Le shabbat re pointe son nez, hé oui tous les vendredis ! Nous tentons de dégoter une chambre dans le quartier des épices, une zone de petits bars, restaus et galeries emménagés dans les anciens entrepôts de la ville. Complet. L’horloge tourne. Shabbat Shalom. Finalement à 180 euros la nuit nous dégotons une cabane en torchis, dont les bouteilles de verre imbriquées font office de fenêtre, chiottes et douches communs et vivons notre premier shabbat au pays des papillotes. En famille, entre copains, le campement s’organise. Nous nous contentons d’un poulet moutarde dans le seul restau ouvert sous une lumière blafarde. Le lendemain, après un petit tour au musée d’Ilan Ramon, premier astronaute israélien et dernier à avoir explosé avec Columbia nous nous enfonçons dans le Sud.
Tsukim, un village communautaire d’artistes dont nous ne verrons pas la couleur. Le village ferme ses grilles tous les soirs à 18h comme tous les villages du coin et n’ouvre aux goyim qu’une fois par semaine. On passe notre tour et dînons sur le bord de la nationale, la route 90 et son restau éponyme. Nous y rencontrons deux femmes de Jérusalem athées qui avouent fuir le we la folie religieuse de leur ville. Aprés une ferme de croco et une réserve d’antilopes, nous revoilà sur la route, la 90 !
Direction la mer morte ou mer du diable pour les anciens. Il se disaient qu’un oiseau ne pouvait la survoler sans mourir. Mahault ne rêve que de la couv’ du Lonly Planet et moi d’un soin pour Stan. Même si nous sommes cernés par les hôtels-tours Samuel, David et autres, l’expérience s’avère plutôt sympa et la flottaison conforme aux attentes. Les dégradés de bleu entre les montagnes jordaniennes et celles du désert de Néguev achèvent de nous convaincre de la singularité du lieu.
En revanche, c’est également le retour des buffets et autres concerts dans le lobby…
Comme nous n’allons évidemment pas passer deux jours en claquettes maillots entre un Mac do et une tour, nous décidons de reprendre notre fidèle destrier vers le Nord. Cisjordanie ou pas? That Is the question… À 20 km du territoire occupé, nous décidons d’y aller. Direction Jericho. Après deux chameaux et trois décharges à ciel ouvert, nul besoin de frontières, nous sommes bel et bien en territoire occupé. L’expérience durera le temps d’un déjeuner le long de la route, attirés par le fumet d’un bbq de rue que surplombent fièrement deux têtes de bovins habitées de quelques insectes. Une famille de Ramallah qui vient de retrouver ses grands-parents de la bande de Gaza nous invite à sa table. Nous ne sommes plus goyim mais bel et bien français, amis des musulmans. La grand-mère offre à Mahault un morceau de pain azyme garni de morceaux de moutons. Elle refuse poliment, j’explique qu’elle est végétarienne et lit l’incrédulité dans leurs yeux. Pas de jugement, juste une envie de partage, d’échange. Nous repartons ravis de notre petite expérience cisjordanienne, direction Acre ou Akko pour les israéliens, juifs, je ne sais plus…
Et d’ailleurs, nous nous y perdons ! Akko est une médina musulmane qui me fait furieusement penser à Essaouira. Ses remparts, ses ruelles étroites et ses rebeus nous ramènent au Magreb. Après les templiers, l’occupation ottomane, les anglais et les juifs, la ville a conservé son architecture et ses bains turcs pour notre plus grand plaisir. Après deux heures de papouilles et un nettoyage en bonne et dûe forme, nous terminons la journée avec notre meilleur voyage culinaire de cette escapade. Et le moins cher, faut-il le souligner?!
Notre béatitude nous fait oublier que nous aurions du rendre notre chariotte la veille. Retour Tel Aviv fissa pour prendre le train vers la ville que nous appréhendons tous, Jérusalem!
Après une incroyable rencontre dans le train avec la bouchère de Marseille-Belsunce, tous diamants et vison dehors pour rejoindre son petit-fils religieux à Jerusalem et fêter la naissance de sa première arrière petite fille à l’occasion de shabbat, nous en ratons notre station. La joaillère-bouchère fait le chemin du retour avec nous, harcelée par son papilloté qui s’impatiente tout en nous ventant les éloges de sa ville, Marseille. Marocaine, elle est née dans le moyen atlas et ne troquerait jamais sa ville pour Israël ! Et elle les aime les arabes, si seulement ils voulaient bien faire la paix…
Nous y sommes, Jerusalem. Nous prenons un guide. Il s’appelle John ou Jean, israélien, passeport italien, son beau père est de la botte. Il parle arabe, anglais, un peu français, indonésien, hébreu et italien. C’est avec notre cicérone que nous arpentons la vieille ville, de la première station de la via dolorosa à la 14e avec le tombeau de Jésus. Il nous raconte Héléna, la mère de Constantin, La Chapelle de la dormition de Marie, les rochers que se partagent tous les monothéistes, avec chacun leur histoire et leur interprétation. Nous croisons des gars qui portent des croix, des cathos qui pleurent avec la leur de 10 cm, des juifs et leur couvre chef en fausse fourrure (la vraie est impure) qui se tapent la tête sur un mur de soutenement censé avoir conforté le temple de Salomon aujourd’hui lieu sacré musulman. Les femmes d’un côté, les hommes de l’autre, y glissent des petits papiers prières dans l’espoir qu’ils s’envolent vers le très saint. Des chrétiens qui se partagent l’espace d’une église parce que incapables de s’entendre au point où les musulmans gardent les clés et sont chargés d’ouvrir l’église le matin et la fermer le soir. Les jordaniens responsables de la sécurités des lieux saints musulmans. Ma dernière image, une jeune soldate israélienne parfaitement manucurée qui porte son gun comme un Claris Virot, cheveux blonds au vent et interpelle à la sortie de la vieille ville une voiture de rebeu en mode ventouse. Un triste bordel qui me confirme plus que jamais que Dieu, Allah ou Jehova ne racontent qu’une seule et même histoire, mais que l’homme reste trop idiot pour la lire.
C’est de nouveau shabbat, hé oui, tous les vendredis. Nous sommes de retour à Tel Aviv, en taxi de Jérusalem, la vie y est douce et joyeuse. Shabbat Shalom les amis!
Commentaires (0)